J’étais cette semaine à Biarritz au FIPADOC, LE festival du documentaire qu’il ne faut pas louper en France. Venue pour « pitcher » un projet de film dans le cadre d’une formation que je suis depuis octobre dernier, je me suis régalée !
Les premiers jours ont été essentiellement dédiés à la préparation de la « pitch session » et autant vous dire que le stress était au rendez-vous, mais les équipes du SOCLE et du Storylab (qui coordonnent cette formation) ont bien « coaché » et mis en confiance les neufs nanas de la promotion. Nous avons soutenu nos projets dans une salle pleine à craquer, devant professionnels et étudiants venus saisir l’air du temps tout autant que rencontrer de potentiels collaborateurs pour de futurs projets à venir…
Un pitch session ?
Si cela vous intéresse, le sujet que j’ai présenté s’intitule « À rebrousse-poil » et si vous êtes curieux (voir intéressés) je veux bien vous en parler (no spoil ici) 🙂
L’idée de la formation, au passage, est de former les journalistes à l’écriture documentaire : je l’ai suivie car lors de la réalisation de mon film sur les médias et notre rapport à l’information j’ai réellement souffert dans la phase d’écriture de synopsis. Je souhaitais donc me former « dans les règles de l’art », avec des script-doctors, et comprendre les nuances de récits et de livrables à fournir pour mener son projet à bon port.
La bonne nouvelle : j’ai enfin compris ces fameuses nuances et je trouve passionnant de voir comment les regards et les narrations peuvent différer et se compléter entre journaliste et documentariste. Le champs de créativité et les possibles que cela ouvre me passionnent réellement !
La moins bonne : dans le secteur, il faut être patient, bien plus que dans le journalisme. Je l’ai déjà expérimenté avec Les médias, le monde et moi et cette formation m’a confirmé cette différente mesure du temps : le pitch que nous avons présenté n’est pas l’aboutissement de 4 mois de travail, mais le début d’une aventure qui, si elle se poursuit, ne verra le jour que dans 2 ou 3 ans… Cela peut être frustrant, mais autant l’avoir en tête !
Le « Fipaaaaa » quoi !
C’était ma première fois sur ce beau festival, le soleil était au rendez-vous (idéal pour se balader en bord de mer et sur la côte des Basques) et j’ai donc profité dès mercredi soir des projections, conférences et moments plus informels qui sont autant d’occasion d’échanger avec producteurs, réalisateurs, journalistes et différents professionnels de la production documentaire audio-visuelle.
J’ai vu plusieurs films que j’ai adorés, et notamment :
Il faut ramener Albert, de Michaël Zumstein
En résumé : Roger, Colette et Nicole se lancent avec détermination dans une mission impossible: ramener en France le cercueil de leur grand frère adoré, mort en 1944 et enterré dans un cimetière militaire à Oran. Pour cela, il va falloir surmonter l’enfer administratif et, à plus de 90 ans, apprendre à dompter le numérique avec Siri, SMS, emails et tablette. Pour le meilleur et pour la vie.
J’ai ri, j’ai pleuré, j’ai été touchée au coeur par la fraîcheur avec laquelle le narrateur nous emmène avec lui dans cette quête. Si vous souhaitez le voir, il est en ligne jusqu’à dimanche 23 janvier au soir sur Telerama – et vous ne le regretterez pas !How to kill a cloud, par Tuija Halttunen
Le résumé : La scientifique Hannele Korhonen n’a qu’une seule passion : travailler au sommet de la communauté mondiale des sciences atmosphériques. Elle souhaite être totalement indépendante et se concentrer sur sa science tout en maintenant des valeurs éthiques élevées. Sa vie change radicalement lorsqu’elle reçoit une bourse de recherche de 1,5 million de dollars des Émirats arabes unis. Le bailleur de fonds attend d’elle qu’elle trouve le moyen de faire pleuvoir les nuages migrateurs au-dessus des Émirats arabes unis sur le pays qui souffre de la sécheresse. L’occasion d’obtenir un financement adéquat pour une recherche aussi spéciale est parfaite. Peu à peu, elle apprend que l’objectif du bailleur de fonds est de profiter à un seul pays, et non à la science en général. L’enthousiasme de Korhonen se transforme en dilemme éthique et en conflits intérieurs.
Mon avis : on est bercé par le sujet, l’esthétique et la narration de ce documentaire qui jamais ne prend parti mais tire habilement les fils de son personnage principal. Avec elle on s’interroge sur l’éthique de la science, le monde de la recherche, son financement, le sens du sacrifice, le dévouement, le techno-solutionnisme… A la fin, je ne sais plus si je l’apprécie vraiment, cette chercheuse à la tête dans les nuages… A voir !!!
La bande annonce :
Blue Box, de Michal Weits
Le résumé : En Israël tout le monde connaît les « boîtes bleues » qui ont servi dans les années 50 à collecter des fonds pour l’achat de terres en Palestine. Joseph Weits, le grand-père de la cinéaste, est connu pour avoir planté des millions d’arbres, moins pour avoir orchestré l’expropriation des terres palestiniennes. Ses journaux intimes révèlent une vérité inconfortable.
Dans ce film aussi j’ai pleuré : la réalisatrice arrive à partager sa quête avec justesse. Son approche est admirable, le récit très fin, très humain, et tellement nécessaire… Allez-le voir dès que possible, il est vraiment très beau.
Writing with Fire, de de Rintu Thomas et Sushmit Ghosh
Le résumé: en compétition au Fipadoc de Biarritz dans la catégorie « Documentaire impact », ce film suit les journalistes du Khabar Lahariya, le seul hebdomadaire indien dirigé par des femmes. Armées de smartphones, elles écrivent sur la société et la politique, bousculant les institutions, dénonçant les puissants. On voit comment ces jeunes femmes mènent leur barque et gagnent peu à peu des millions de lecteurs partout dans le pays.
Forcément, j’ai adoré 🙂 La persévérance, la détermination, leur répartie, leurs contraintes, cette culture, cette réalité, ce combat qui est le leur… elles sont puissantes, et il nous en faut de milliers comme elles !
Flee, de Jonas Poher Rasmussen
Résumé : L’histoire vraie d’Amin, un Afghan qui a dû fuir son pays à la fin des années 80 alors qu’il n’était qu’un enfant. Trente ans plus tard, désormais universitaire au Danemark, il va confier à son meilleur ami la véritable histoire de son voyage et de son combat pour la liberté.
Présenté à Cannes en 2020, et dans l’avant première proposée par ARTE au Fipadoc, ce film est un bijou nécessaire. Il arrive à générer une forte empathie et le dispositif narratif permet de mettre en scène la réalité sous forme de dessin animé entre coupé d’images réelles d’archives, avec un témoignage oral poignant.
A titre personnel je me pose encore plein de questions restées dans l’ombre sur le parcours d’Amin, mais son récit fait vivre à chacun la réalité que beaucoup subissent dans l’ignorance la plus crasse… Ne le loupez pas donc.
Je vous dis à bien vite – et si vous avez des questions n’hésitez pas !